LIBYE • Kadhafi fait son autocritique
Après trente-neuf ans de règne, le leader libyen a créé la surprise en reconnaissant devant son Parlement l'échec du système qu'il a mis en place. Aujourd'hui, s'étonne le quotidien algérien Liberté, il propose une réforme pour le bien de sa population.
Muammar Kadhafi, lors de son discours fêtant le 31ème anniversaire de la Jamahiriya
2 mars 2008, AFP
Devant les critiques émanant de la base reprochant aux comités gouvernementaux [les ministères] de n'avoir pas réussi à distribuer les importants revenus que la Libye tire de son pétrole, le leader libyen songe désormais à une profonde refonte de son gouvernement et du système d'une manière générale. Dans une autocritique, la première du genre, devant les membres du Congrès général populaire, qui fait office de Parlement libyen, Muammar Kadhafi s'en est violemment pris au système qu'il a mis en place depuis la proclamation de la Jamahiriya en 1977 [il avait pris le pouvoir en 1969]. Constatant que les grands projets accusaient un retard et que le peuple devait trouver lui-même un nouveau moyen de partager les revenus pétroliers, le chef de l'Etat libyen prône désormais une réforme en profondeur du gouvernement, estimant que le système actuel devait en grande partie être démantelé pour n'avoir pas réussi dans ses missions.
La majorité de la population est mécontente de la gestion de la rente pétrolière, notamment du fait que la hausse importante des revenus pétroliers et des investissements étrangers depuis que Tripoli a renoncé au terrorisme, en 2003, ne se répercute pas sur le bien-être du peuple. Cet aveu d'échec s'accompagne d'un appel à la suppression de nombreux ministères, dont certains sont suspectés de verser dans la corruption. "Depuis des années, les Libyens étaient mécontents du fonctionnement des ministères dans leur pays, car ceux-ci se sont transformés en une pieuvre où règnent la corruption et la mauvaise gestion", a affirmé le numéro un libyen devant son auditoire.
"A l'exception des ministères de souveraineté comme la Défense, la Sécurité intérieure et les Affaires étrangères, et ceux chargés de superviser les projets stratégiques comme le grand fleuve ou la construction d'aéroports et de routes", les ministères et administrations publiques doivent être "supprimés", a-t-il clamé. Pour information, les comités gouvernementaux, qui constituent les rouages essentiels du système libyen, font fonction de ministères.
Estimant que "tous les citoyens ont le droit de bénéficier des revenus du pétrole. Ils devraient toucher de l'argent et faire ce qu'ils veulent avec", Kadhafi appelle au démantèlement de la plupart de ces comités. Selon lui, cela devrait faire l'objet d'un débat au Parlement dans les prochains jours. L'autre grief avancé par le colonel Muammar Kadhafi est qu'en dépit de la masse d'argent importante allouée à ces institutions chaque année, les résultats sont négatifs. "Nous avons dépensé 37 milliards de dollars par an ces dernières années. Les comités populaires généraux n'ont pas bien géré cet argent. Ces comités doivent cesser d'exister", a lancé le leader libyen. "Dans plusieurs secteurs, des projets sont encore inaboutis", a-t-il dit sans ménagement. "C'est une preuve de l'échec des comités. C'est un échec. Le gouvernement a échoué. Les comités ont échoué en tout. Ils n'ont même pas su former de bons artistes et de bons chanteurs." "Ces comités seront remplacés naturellement par de vrais comités qui seront créés partout, par des citoyens, a-t-il ajouté. Les citoyens recevront directement une partie des revenus pétroliers. Ils n'ont pas besoin d'intermédiaires."
K. Abdelkamel
Liberté